• J'ai grandie à l'ombre des coquelicots, mais je ne le savais pas...

    En grandissant et vieillissant, il y a des choses qu'on oublie, et un beau jour, au détour d'un chemin de vie, elles remontent, nous envellopent dans leur bras et nous aident à continuer à grandir et avancer.

    Jusqu'à 5 ans, j'ai vécu dans une zup... A l'époque, les zup n'étaient pas ce qu'elles sont maintenant mais elles étaient déjà moches. Alors mes parents ont pris leurs 3 filles sous le bras et on loués une petite maison dans un petit village. Autour de la maison, il y avait un grand jardin, un verger de pommiers et de poiriers, un potager plein de légumes et de fleurs, un petit escalier de pierres et de bois qui montait vers les cerisiers. Sous les cerisiers, il y avait de l'herbe dans laquelle s'allonger pour lire ou rêver, sur les cerisiers, il y avait des cerises à manger, une grosse branche pour se reposer ou rêver.

    Tout autour, c'était la jungle des campagnes et je passais ma vie dehors à chasser des trésors improbables, des cailloux précieux, des bouts de bois exotiques et des plantes magiques. Je savais que cachés dans les champignons et les souches vivait le petit peuple des fées et des lutins, d'ailleurs c'était dans les livres que je lisais -les belles histoires d'Enid Blyton- donc ça ne pouvait qu'être vrai. D'ailleurs, je trouvais parfois des traces et la nuit, quand tout ils pensaient le monde des hommes endormi, ils allumaient les lucioles pour pouvoir voir....

    Elles m'intriguaient les lucioles... Comment faisaient elles de la lumière? 

    J'en ai ramené une un soir de 14 juillet, je voulais la voir s'allumer... ça n'est jamais arrivé, je crois que c'était parce qu'elle n'était pas dehors.  Les lucioles ce n'est pas comme les tétards... les tétards, je les ramassais dans le canal d'à coté et je les regarder se transformer en grenouilles, je leur ramenais des algues et des amis vairons aussi, un dytique aussi de temps en temps... Les dytiques, ils ont inventés le scaphandre, ils descendent sous l'eau avec une bulle, c'était joli dans l'aquarium...

    Je regardais les araignées d'eau danser sur l'eau, un peu effrayée mais fascinée.

    Je ramenais des escargots et les observais dans leur ballet d'accouplement... juste, je ne savais pas ce qu'ils faisaient... c'était joli, c'était le plus important.

    Je plantais des noyaux pour faire pousser des arbres, m'étonnant de ne pas les voir grandir...

    Je faisais pousser des haricots et des lentilles dans du coton, m'étonnant de voir qu'il y avait autant de choses dans une seule graine.

    J'effeuillais les marguerites, je faisais des cabanes avec des branches et des poupées avec les coquelicots.

    Des princesses imaginaires qui me tenaient compagnie pendant un après-midi. 

    J'ai grandi à l'ombre des coquelicots et je ne m'en souvenais plus...

    J'ai était une petite fille sauvage qui s'est fondu dans le troupeau pour ne pas rester sur la route, et je l'avais oublié...

    J'ai couru les champs et les chemins pieds nus et les cheveux emmélés, je me suis baigné dans le canal d'à coté et quand je sortais de l'eau, j'envoyais des bateaux feuilles en expéditions...

    J'ai été une fille de la Terre et de l'Eau puis je suis rentrée dans le rang et j'ai tout oublié.

    Aujourd'hui, pleins d'années après, la petite fille me fait signe et m'invite à retrouver celle que j'étais... A l'accueillir en moi et vivre avec elle... à redevenir une fille de la Terre et de l'Eau, une femme de la Terre et de l'Eau...

    Parce que j'ai grandi entre temps... la petite fille est loin, la femme est là et je ne l'avais pas vue. 

    Elle était là et je ne la regardais même pas...

    L'ombre des coquelicots m'appelle et maintenant je l'entends. J'entends La Grande Mère qui m'appelle, qui me pousse à retrouver la femme que je suis. 

    Le chemin va être long... vraiment long. Les années sont passées, les yeux s'ouvrent mais la lumière est vive. 

    Le chemin va être long... très long, mais je me lève et commence à avancer à petits pas...

    Baby steps...

    Je sais maintenant que si ça ne va pas, je peux me reposer à l'ombre des coquelicots avant de repartir...

     


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